Les femmes, reines de la longévité : les secrets d’une espérance de vie supérieure
C’est un fait reconnu universellement : dans presque toutes les régions du monde, les femmes vivent plus longtemps que les hommes En France, l’écart est de près de 6 ans, avec une espérance de vie à la naissance de 85,3 ans pour les femmes contre 79,4 ans pour ces messieurs. Mais ce phénomène ne concerne pas que l’Hexagone. À l’échelle de la planète, les femmes gagnent en moyenne 4,4 années de vie supplémentaires comparées aux hommes.
Mais alors, d’où vient ce « privilège » féminin face au vieillissement et à la mort ? La science apporte de nombreux éléments de réponse, révélant une combinaison complexe de facteurs biologiques, comportementaux et sociaux. Faisons le point sur les raisons qui donnent aux femmes un avantage certain dans cette course à la longévité !
Les femmes, mieux armées génétiquement
Première piste d’explication : la génétique. Le patrimoine génétique des femmes serait plus favorable à une vie longue que celui des hommes. Comme vous le savez sûrement, les femmes possèdent deux chromosomes X, tandis que les hommes n’en ont qu’un, associé à un chromosome Y.
Or, certains gènes importants pour la santé et la longévité, comme ceux qui contrôlent la réponse immunitaire, sont situés sur le chromosome X. En ayant deux exemplaires de ce chromosome, les femmes bénéficient d’une « sauvegarde » génétique. Si un gène défectueux est présent sur un chromosome X, l’autre peut prendre le relais. Les hommes, eux, n’ont pas cette roue de secours.
De plus, des recherches suggèrent que le chromosome Y lui-même pourrait avoir des effets délétères sur la durée de vie. En l’absence d’un second chromosome X, certaines mutations présentes sur l’Y ne peuvent être compensées.
Les hormones féminines, un bouclier naturel
Autre grand atout dans la manche des femmes : les hormones sexuelles, et notamment les œstrogènes. Secrétées en grande quantité avant la ménopause, ces hormones féminines par excellence contribuent à protéger la santé cardiovasculaire.
Les œstrogènes favorisent le « bon » cholestérol (HDL) et réduisent le « mauvais » (LDL), limitant ainsi l’accumulation de plaques d’athérome dans les artères. Ils aident également à maintenir la souplesse des vaisseaux sanguins et à prévenir l’hypertension artérielle. Résultat, les femmes sont moins sujettes aux crises cardiaques et aux AVC, en tout cas avant la ménopause.
A l’inverse, la testostérone, hormone mâle, serait plutôt un facteur de risque cardiovasculaire. Associée à un mode de vie moins sain (tabac, alcool, alimentation riche en graisses), elle contribuerait à la plus forte mortalité des hommes d’âge moyen.
Mais ce n’est pas tout ! Les œstrogènes renforcent également le système immunitaire, première ligne de défense de l’organisme contre les infections et certains cancers. La réponse immunitaire des femmes est plus puissante, plus rapide et plus durable que celle des hommes.
Enfin, ces hormones féminines participent à la formation et au renouvellement de la masse osseuse. Avant 50 ans, les femmes sont ainsi moins touchées par l’ostéoporose et les fractures qui en découlent. Un sacré avantage quand on sait que les chutes sont une cause majeure de décès chez les seniors.
Mode de vie : quand les femmes prennent soin d’elles
La biologie ne fait pas tout. Les femmes adoptent globalement des comportements plus favorables à leur santé que les hommes. C’est vrai à tout âge, mais surtout dans la force de l’âge, quand se jouent les bases d’un vieillissement réussi.
Premier point : le tabac. Dans la plupart des pays développés, les femmes sont moins nombreuses à fumer que les hommes, et consomment des quantités moindres. Or, on le sait, le tabac est un poison pour la santé cardiovasculaire et pulmonaire. Il multiplie aussi les risques de cancer. En disant non à la cigarette, les femmes se préservent de maladies graves et potentiellement mortelles.
De même pour l’alcool. La consommation excessive et régulière est moins fréquente chez les femmes que chez les hommes. Or l’abus d’alcool est un facteur majeur de mortalité prématurée, par accidents, cancer, maladie du foie… En levant moins souvent le coude, les femmes évitent bien des drames.
Troisième pilier d’un mode de vie sain : l’alimentation. Les femmes ont tendance à manger plus équilibré que les hommes. Elles consomment davantage de fruits, de légumes, de produits laitiers, de poisson. À l’inverse, elles mangent moins de viande rouge, limitent les produits gras et sucrés. Leurs apports en fibres, vitamines, minéraux et « bon » gras sont meilleurs, ce qui réduit le risque de maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiovasculaires, certains cancers…
Le rapport au corps et à la santé, là où les femmes excellent
Les femmes sont plus attentives que les hommes à leur santé. Elles consultent plus régulièrement, participent davantage aux campagnes de prévention et de dépistage (cancer du sein, du col de l’utérus…), sont plus observants concernant les traitements…
Cette conscience aiguë de leur capital santé n’est pas étrangère à leur longévité accrue. En prenant soin d’elles au quotidien, en détectant tôt d’éventuels problèmes, en suivant les recommandations médicales, elles optimisent leurs chances de vieillir en bonne santé.
Et cette vigilance s’étend à leur apparence physique. Les femmes sont plus enclines à utiliser des crèmes anti-âge, à se protéger du soleil, à faire de l’exercice pour garder la ligne… Des gestes qui peuvent paraître superficiels mais qui, sur le long terme, contribuent à préserver la jeunesse et la vitalité du corps.
Le rôle clé des relations sociales
Il ne faut pas négliger non plus la dimension sociale. Les femmes tissent et entretiennent généralement un réseau social plus dense et plus solide que les hommes, surtout après la retraite. Elles ont plus d’amies, voient plus souvent leur famille, participent à plus d’activités associatives ou communautaires.
Or on sait aujourd’hui que les relations sociales sont un puissant déterminant de la santé et de la longévité. Avoir des liens forts protège du stress, de la dépression, stimule les fonctions cognitives, aide à traverser les épreuves de la vie.
Les personnes bien entourées prennent aussi mieux soin d’elles. Encouragées, stimulées par leurs proches, elles ont de meilleures chances de rester actives physiquement et intellectuellement, de bien s’alimenter…
Tous ces éléments convergent pour tisser autour des femmes un filet de sécurité sanitaire et social qui allonge leur espérance de vie. La qualité et la densité de leurs liens est certainement un atout majeur pour vieillir en bonne santé.
Des femmes plus résistantes au stress ?
Les femmes seraient plus résilientes face au stress que les hommes. Elles auraient de meilleures capacités à gérer les situations anxiogènes, à rebondir après un événement difficile. Certaines études suggèrent que cette résistance est en partie innée.
Soumis à un stress, hommes et femmes ne sécrètent pas les mêmes hormones dans les mêmes quantités. Les femmes produisent plus d’ocytocine, hormone de l’attachement qui a un effet apaisant. Elles utilisent aussi des stratégies de gestion du stress différentes, plus efficaces.
Là où les hommes ont tendance à intérioriser, à chercher des solutions seuls, les femmes extériorisent davantage, expriment leurs émotions, sollicitent leur réseau social. Cette capacité à partager leur fardeau les aide à dépasser les moments critiques, limitant l’impact délétère du stress chronique sur l’organisme.
Travail et conditions de vie, l’autre grand facteur
Impossible d’évoquer la longévité sans parler des conditions de travail. Historiquement, les hommes ont toujours occupé les emplois les plus à risque en terme d’accidents, de maladies professionnelles.
Chantiers, usines, mines, agriculture… nombre de métiers masculins exposent à des dangers physiques, des produits toxiques, des conditions de travail éprouvantes. Autant de facteurs qui réduisent l’espérance de vie des hommes, surtout dans les catégories sociales les moins favorisées.
Les femmes, elles, occupent traditionnellement des postes moins « frontaux », dans les services, le tertiaire, l’enseignement, le médical… Des secteurs où les conditions de travail sont globalement meilleures. Moins exposées aux risques professionnels, elles préservent davantage leur capital santé.
Bien sûr, avec la féminisation du marché du travail, cette différence tend à s’estomper, mais elle reste un facteur clé de la surmortalité masculine. Surtout parmi les seniors, qui ont connu une véritable division sexuée du travail.
Une longévité qui a un prix
Vivre plus longtemps, c’est bien, mais encore faut-il que ces années supplémentaires soient des années de vie en bonne santé. Or de ce point de vue, la situation est plus contrastée pour les femmes.
Certes, elles vivent plus vieilles que les hommes, mais elles sont aussi plus nombreuses à souffrir de maladies chroniques, de douleurs, de dépendance aux grands âges. Arthrose, ostéoporose, maladie d’Alzheimer… nombre de pathologies liées au vieillissement touchent davantage les femmes.
Conséquence de cette longévité accrue, elles passent aussi plus d’années seules, veuves, isolées. Un veuvage parfois très long, avec toutes les difficultés matérielles et psychologiques que cela implique. Solitude, précarité, perte d’autonomie… autant d’épreuves qui pèsent sur leur qualité de vie aux âges avancés.
Il faut aussi compter avec les inégalités sociales de santé. Les femmes les moins favorisées, moins diplômées, ont une espérance de vie réduite par rapport aux plus aisées. Et surtout, elles vivent une plus grande partie de leur vie en mauvaise santé, handicapées, dépendantes.
Ainsi, une ouvrière de 35 ans peut espérer vivre jusqu’à 79 ans, mais elle passera 20 de ces années avec des problèmes de santé. Une cadre, elle, vivra en moyenne jusqu’à 84 ans, dont seulement 16 avec des soucis de santé. L’avantage féminin en termes de longévité est donc à nuancer selon les catégories sociales.
Des pistes pour réduire l’écart hommes-femmes
Pour autant, il ne s’agit pas d’une fatalité. L’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes n’est pas immuable. Il varie selon les époques et les pays, preuve que des facteurs sociétaux sont à l’œuvre.
Autre signe encourageant : dans la plupart des pays développés, les hommes rattrapent peu à peu leur retard. Ils gagnent plus d’années de vie que les femmes, réduisant doucement l’écart. Pourquoi ? Principalement grâce à la prévention et l’éducation à la santé.
Les campagnes contre le tabac, l’alcool, pour une meilleure alimentation, plus d’activité physique portent leurs fruits. Les hommes sont de plus en plus nombreux à prendre soin de leur santé, à adopter des comportements protecteurs. Ils bénéficient aussi des progrès médicaux, notamment dans le domaine de la cardiologie et de la cancérologie.
De même, la prise de conscience des risques professionnels, l’amélioration des conditions de travail contribue à préserver leur santé. Equipements de protection, réduction des expositions toxiques, prévention des accidents… Peu à peu, le monde du travail s’adapte pour limiter l’usure prématurée des corps, surtout masculins.
Reste à progresser sur le terrain de la santé mentale et du bien-être psychologique. Les hommes restent plus touchés par les addictions, le stress, la dépression, les troubles psychiatriques graves comme la schizophrénie. Autant de pathologies qui pèsent sur leur espérance de vie.
Briser les tabous, encourager la parole, faciliter l’accès aux soins sont des enjeux majeurs pour réduire la surmortalité masculine. Les hommes doivent apprendre à être davantage à l’écoute de leurs émotions, de leur souffrance psychique. Un vrai défi culturel et sociétal.
Enfin, côté féminin, l’enjeu est de conjuguer longévité et qualité de vie. Comment faire pour que ces années gagnées soient des années d’autonomie, de bien-être, d’épanouissement ?
Là encore, la prévention est clé. Encourager l’activité physique, une alimentation saine, l’entretien des fonctions cognitives permet de retarder la perte d’autonomie. Mais aussi lutter contre l’isolement des femmes âgées, renforcer les solidarités, adapter la société au vieillissement.
La longévité ne doit pas être seulement une question de durée, mais aussi de qualité. Un beau défi à relever pour que l’avantage féminin en termes d’espérance de vie se conjugue avec un réel mieux-vieillir. L’allongement de la vie vaut la peine s’il rime avec